Aller au contenu principal

Des bactéries vampires à la rescousse des antibios

uclouvain |

uclouvain
12 December 2024, modified on 13 December 2024

Prédateur, vampire…Dignes de créatures d’Halloween, les noms des projets de recherche de Géraldine Laloux désignent des êtres vivants bien plus petits mais bien réels : des bactéries. Mais pas n’importe quelles bactéries. Celles qui s’attaquent à d’autres bactéries pour survivre et proliférer. L’intérêt : utiliser à terme leurs stratégies pour renforcer l’effet des antibiotiques ou comme nouveaux moyens thérapeutiques contre les bactéries préoccupantes pour la santé publique.

GéraldineAprès avoir obtenu une bourse ERC Starting Grant en 2019 qui se termine en cette fin d’année 2024, la jeune chercheuse de l’Institut de Duve de l’UCLouvain vient de décrocher une bourse ERC Consolidator pour poursuivre ses investigations passionnantes sur ces bactéries atypiques. « Durant le projet de l’ERC Starting Grant, nous nous sommes concentrés sur le cycle de vie de la bactérie Bdellovibrio bacteriovorus. Celle-ci prolifère uniquement à l’intérieur d’autres bactéries », explique Géraldine Laloux. La prestigieuse bourse pour son projet « Predator » lui a permis de monter une équipe et d’acquérir deux microscopes de pointe qui permettent de faire de la microscopie sur cellules bactériennes vivantes. « Nous avons développé des outils, des marqueurs fluorescents, qui permettent d’observer en direct les processus fondamentaux de cette bactérie », poursuit la chercheuse.

Un cycle très particulier

Réplication du matériel génétique (ADN), répartition de ce matériel entre les cellules filles, division cellulaire, croissance…l’équipe a décortiqué la biologie cellulaire de la bactérie prédatrice. « Outre le fait qu’elle prolifère dans d’autres bactéries, elle grandit d’une façon très particulière : elle forme un long filament, comme un spaghetti, et se sépare en un nombre variable de cellules filles alors qu’une bactérie classique se divise en deux cellules filles », précise Géraldine Laloux. Parmi les observations faites dans le cadre de ce projet de recherche, les scientifiques ont découvert que la croissance de Bdellovibrio bacteriovorus et le nombre de cellules filles qu’elle produit dépendent de la taille de la bactérie hôte dans laquelle elle prolifère. « Nous avons commencé à comprendre comment cette bactérie grandit en filament, et comment elle organise des protéines tout le long de ce dernier pour créer des cellules filles capables de reproduire à leur tour le cycle de la bactérie », révèle la chercheuse. L’attaque et l’invasion de la proie dépendent de la position de ces protéines que la bactérie – mère a placées pendant sa croissance. Et l’équipe de Géraldine Laloux a commencé à élucider la dynamique de positionnement de ces protéines.

Cycle de vie de la bactérie prédatrice Bdellovibrio bacteriovorus
(panel A) et images d'un time-lapse montrant la localisation
de protéines fluorescentes dans le prédateur en croissance (en C et en F).

S’emparer des armes moléculaires des bactéries

Ces résultats prometteurs ont permis à Géraldine Laloux d’obtenir une bourse ERC Consolidator pour poursuivre ses investigations. Elle a baptisé ce nouveau projet « Vampire ». Pourquoi ? « Parce que nous allons intégrer un nouveau modèle de bactérie prédatrice dans nos recherches : une bactérie qui vampirise d’autres bactéries en se fixant à leur surface et en aspirant leur contenu. Elles le digèrent, récupèrent les nutriments, grandissent et produisent généralement trois cellules filles », explique la scientifique. Cette bactérie, c’est Bdellovibrio exovorus.

 

Cycle de vie de la bactérie vampire Bdellovibrio exovorus.

Au cours des 5 prochaines années, l’équipe de Géraldine Laloux va s’atteler à scruter et démêler les aspects moléculaires des interactions entre les proies et les deux types de bactéries prédatrices. « Nous voudrions comprendre comment elles reconnaissent, s’attachent, entrent ou restent accrochées à la surface de leurs proies », souligne la lauréate de la bourse ERC Consolidator. Quant à Bdellovibrio bacteriovorus, les chercheur.es voudraient lui faire révéler comment son cycle s’ajuste en fonction des interactions et de la digestion de sa proie. « Comment ce prédateur « sait » qu’il est dans une petite ou grande bactérie et comment il « sait » qu’il doit arrêter de grandir et libérer ses cellules filles ? » se demande Géraldine Laloux.

Dans un monde où les antibiotiques perdent en efficacité à cause de la résistance des bactéries à ces médicaments, ces recherches vont permettre d’identifier les armes moléculaires que les bactéries utilisent les unes contre les autres et d’inspirer les scientifiques pour créer des stratégies innovantes pour combattre les bactéries. Soit en combinaison avec des antibiotiques (comme adjuvants) soit comme nouveaux moyens thérapeutiques, par exemple en exploitant les toxines que ces bactéries prédateurs/vampires utilisent pour attaquer leurs proies.