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Des éruptions explosives bénéfiques pour le climat !

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23 May 2025, modifié le 26 May 2025

Les volcans actifs sont généralement perçus comme des sources de CO₂, mais ils peuvent aussi en capturer ! C’est ce que révèle l’étude de Pierre Delmelle et son équipe publiée dans Nature Communications. Les scientifiques ont montré que ces éruptions peuvent être « négatives en carbone », stockant jusqu’à 15 fois plus de carbone qu’elles n’en rejettent.

On les connaît pour leurs éruptions spectaculaires, leurs coulées de lave incandescentes et leurs nuages de cendres qui obscurcissent et paralysent le ciel. Mais derrière leur image de destructeurs, les volcans cachent une facette méconnue... et bénéfique pour le climat.

Une équipe de chercheurs de l’UCLouvain, en collaboration avec l’Université de Genève, a mis en lumière un phénomène étonnant : les éruptions volcaniques explosives peuvent, sur le long terme, contribuer à capturer du carbone atmosphérique et à le stocker durablement dans les sols. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Nature Communications.

Plus de carbone enfoui qu’émis

Lorsqu’un volcan entre en éruption de manière explosive, il dépose d’épaisses couches de cendres, appelées « téphras ». Ces dépôts servent généralement de substrat à la formation de sols volcaniques, lesquels possèdent une capacité remarquable à accumuler et à retenir le carbone organique. Ce carbone provient des plantes qui capturent le CO₂ atmosphérique par photosynthèse. Lorsqu’elles meurent, une partie de leur carbone est stockée dans le sol sous forme de matière organique.

L’équipe de recherche, dirigée par le Prof. Pierre Delmelle de l’Earth and Life Institute de l’UCLouvain, a émis l’hypothèse que les éruptions explosives ne créent pas seulement de nouveaux sols volcaniques riches en carbone, mais qu’elles enfouissent également ceux déjà existants, piégeant ainsi le carbone atmosphérique pour des millénaires.

Pour tester cette idée, l’équipe a mené des travaux de terrain dans les Andes équatoriennes, dans une région recouverte il y a environ 2 270 ans par des téphras issus d’une importante éruption explosive. Leurs mesures ont montré que cette éruption avait enfoui et préservé plus de carbone dans les sols qu’elle n’en avait libéré dans l’atmosphère.

De véritables puits naturels de carbone

À partir de ces résultats, les chercheurs ont élaboré un modèle pour estimer la quantité de carbone organique enfouie dans les sols ayant été affectés de manière répétée par des éruptions explosives au fil du temps.

En Équateur, même les estimations les plus prudentes suggèrent que ce processus a séquestré suffisamment de carbone organique au cours de l’Holocène (les quelque 12 000 dernières années) pour représenter jusqu’à un tiers du stock total de carbone des sols du pays.
Fait remarquable : la quantité de carbone stockée dans les sols volcaniques affectés de manière répétée par les téphras dépasse de 3 à 15 fois les émissions cumulées de carbone des éruptions responsables de leur enfouissement. Ces analyses confirment donc que ces événements explosifs deviennent ainsi « négatifs en carbone ».

« Nous savons depuis longtemps que les volcans dégazent la Terre, mais il faut désormais aussi considérer leur capacité à retirer du carbone de l’atmosphère en le piégeant dans les sols », explique le Prof. Delmelle.

Cette recherche met en lumière le rôle inattendu que peuvent jouer les volcans explosifs dans le bilan carbone de la Terre en tant qu’agents de stockage de carbone à long terme.

© Pierre Delmelle