LouvainTransfer, catalyseur d’innovation
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Entretien avec Xavier Bastin et Xavier Lepot, copilotes de LouvainTransfer
1. À l’occasion de la soirée du 15 avril, LouvainTransfer fête les spin-offs, mais ses missions vont bien au-delà. En quelques mots, comment décririez-vous le rôle central que joue LouvainTransfer dans l’écosystème UCLouvain ?
Dans une démarche collaborative les équipes du LouvainTransfer ont redéfini leur mission en « Connecter la Recherche et la Société pour construire ensemble le monde de demain ». Partant de là, LouvainTransfer qui se définissait auparavant comme un TTO (Technology Transfer Office, tel que repris dans son ancienne dénomination « LTTO » pour Louvain Technology Transfer Office) devient un KEO ou Knowledge Exchange Office. Cela implique deux changements fondamentaux. Rappelons d’abord que la valorisation se définit très largement comme la transformation des résultats de la recherche en impact socio-économique. Le premier changement concerne le fait que la valorisation s’élargit à l’ensemble des domaines de recherche, bien au-delà des secteurs technologiques et peut prendre différentes formes, autres que la création de spin-offs et de licences. Le second changement porte sur la notion d’échange plutôt que de transfert. Cela signifie que LouvainTransfer devient un point de liaison entre la communauté de recherche et la société. Cette liaison fonctionne de manière bidirectionnelle. LouvainTransfer aide à transformer les résultats de la recherche en un impact sociétal et il permet à la communauté de recherche de bénéficier d’apports de tous types venant de la société. Le rôle de LouvainTransfer est de faciliter les échanges en accompagnant les chercheurs, en établissant un cadre de collaboration qui veille à l’intérêt de toutes les parties, en facilitant le dialogue entre deux mondes qui ne partagent pas nécessairement le même langage et en aidant à trouver les financements pour soutenir ces échanges, ainsi que leur concrétisation sous différentes formes : collaborations de recherche, réalisation de preuves de concepts (PoC), créations de spin-offs, cession de licences, vulgarisation scientifique, prestations de conseil par des experts universitaires, etc. En bref, en jouant ce rôle d’intermédiaire partenaire de confiance, nous facilitons les interactions entre chercheurs et entreprises, qu'elles soient marchandes ou non-marchandes, pour aligner les intérêts de chaque partie et aider à créer ainsi une valeur ajoutée sociétale.
2. Quels sont les défis actuels que vous identifiez dans le passage de la recherche à l’entrepreneuriat, et comment LouvainTransfer y répond-il ?
Passer de la recherche à l'entrepreneuriat, c'est changer de paradigme. Autant lorsque l'on est chercheur·euse, on se focalise sur l'excellence de la réponse à sa question de recherche, autant lorsqu’on est entrepreneur·euse, c'est l'efficacité et la réponse aux besoins du marché qui priment. Chercher et entreprendre ont ceci en commun que, s’il y a au départ une intention et une force individuelle, on n’arrive vraiment à un résultat impactant que lorsqu’on travaille en équipe. Lorsqu'un scientifique termine sa recherche, il est expert dans son domaine. En se lançant dans l'entrepreneuriat, il se lance dans une vraie aventure humaine, dans laquelle il se retrouve dans le rôle de l’apprenant sur bien des sujets. Cependant, parce qu’il est formé à l’approche essai-erreur-amélioration, le chercheur est prêt à “s’aventurer” vers son nouveau mode de fonctionnement : l'entrepreneuriat c'est aussi quelque chose qui s'apprend en expérimentant, en tombant et se relevant, en se trompant et en s’en servant pour aller plus loin. C’est pourquoi il est très important d’être bien accompagné·e. LouvainTransfer est l’instrument mis en place par l’UCLouvain pour accompagner ses chercheurs et chercheuses sur le chemin qui va de l’idée à l’innovation, du laboratoire à l’entreprise. LouvainTransfer s’appuie sur un ensemble de partenaires pour y arriver, parce qu’ensemble on est plus fort. Parmi les défis, il y a par exemple le fait de savoir si l’idée peut être protégée, si l’invention imaginée répond à un vrai besoin marché, comment construire son modèle d’affaires pour capturer ce marché, comment développer l’équipe qui va opérationnaliser tout cela, etc.
3. Depuis quelques années, observe-t-on une évolution dans les profils des chercheur·euses qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale ? Qu’est-ce qui les motive aujourd’hui ?
Il y a une évolution dans les motivations profondes des chercheurs.euses. Il est de plus en plus important pour eux que leur idée devenue invention puis innovation contribue à réellement impacter le monde de demain en leur permettant de s’inscrire dans une trajectoire plus durable. D’autre part, et même si l’actualité récente en est un contre-exemple, le monde se globalise. Cela veut dire que les résultats de la recherche peuvent impacter largement au-delà de notre écosystème local. Les marchés évoluent vers plus de compréhension et de maîtrise de cette mondialisation des besoins, et les outils d’analyse disponibles facilitent cette orientation de globalisation. Cependant, cette tendance vers plus de globalisation est aussi antinomique avec la volonté d’avoir un impact positif. Il y a donc de plus en plus de segmentation entre projets ultra-locaux et projets à visée mondiale. Enfin, il y aussi une volonté de mieux concilier vie privée et vie professionnelle, et là on se heurte à une réalité : entreprendre est un travail à plus que temps plein.
4. À l’heure du 600e anniversaire de l’UCLouvain, quelle est votre vision pour l’avenir : comment LouvainTransfer entend-il encore renforcer l’impact de la recherche sur la société dans les prochaines années ?
LouvainTransfer a un rôle essentiel d’intermédiaire, de charnière, d’interface entre la communauté des scientifiques et les entreprises. Ce rôle se base sur plusieurs conditions : une communauté de chercheurs·euses qui a plus d’appétence pour travailler en collaboration avec le monde entrepreneurial, un écosystème d’entreprises qui comprend la valeur ajoutée du travail avec les universités sans les instrumentaliser, des processus d’accompagnement de la relation entre les deux parties, etc. LouvainTransfer veut renforcer ces différents éléments pour être encore plus efficace dans son rôle d’accélération de la valorisation des résultats de la recherche. C’est pourquoi LouvainTransfer va renforcer fortement des actions de sensibilisation à l’entrepreneuriat, en créant par exemple un incubateur chercheur dans la lignée de ce que Yncubator est pour les étudiants (le pilote vise à avoir à minima 5 projets incubés en 2025). Dans le même temps, nous approcherons des entreprises pour mieux comprendre leurs besoins et challenges afin de définir avec elles la meilleure façon dont l’UCLouvain peut les accompagner tout en maintenant ses missions d’enseignement et de recherche (l’action pilote concerne 10 entreprises en 2025).
5. Sopartec est le bras opérationnel de LouvainTransfer pour la valorisation économique. Comment collaborez-vous au quotidien pour transformer une idée en spin-off viable ?
Dans le cadre de la valorisation économique, il est essentiel de conjuguer une compréhension approfondie du monde scientifique avec une connaissance solide du milieu des entreprises. La nouvelle dynamique de LouvainTransfer cherche à renforcer cette synergie en gérant le processus de valorisation grâce à une équipe interdisciplinaire intégrant les compétences requises pour chaque étape de ce processus. L’équipe de la Sopartec apporte ainsi à la coupole LouvainTransfer son expertise pointue en matière d'entreprise et d'entrepreneuriat. Concernant les spin-offs, les défis sont nombreux, à commencer par l'identification des produits ou services que la spin-off proposera ainsi que sa clientèle cible. Il est ensuite crucial de définir un modèle économique viable permettant à l'entreprise de se développer et de devenir rentable. La constitution de l'équipe porteuse du projet ainsi que la recherche des premiers investisseurs sont également des étapes déterminantes. La création de la spin-off marque simplement le début d'une nouvelle aventure entrepreneuriale. Comme dit auparavant, le rôle d’huile dans les rouages est à la fois extrêmement complexe et indispensable. Il s’appuie sur des équipes hyper-compétentes qui se mettent au service des chercheurs·euses accompagné·es, tout en les challengeant dans leur projet. Nous avons besoin de tout le panel d’expertise, que ce soit dans la partie Sopartec et la partie ADRE. Le processus de valorisation s’exerce dans deux sens : solution-push (de l’intérieur vers l’extérieur) et needs/challenges-pull (de l’extérieur vers l’intérieur). Les équipes mixtes Sopartec/ADRE s’entraident dans ces deux cas de figures.