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Rumination : mieux la comprendre pour mieux la chasser

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27 May 2025, modifié le 3 June 2025

Le « Prix de Psychologie » de l’Académie royale des sciences a été attribué à Yorgo Hoebeke pour ses travaux innovants sur la rumination. Des recherches qui mettent en lumière ce qui influence les différentes facettes de la rumination et ses fluctuations. La négativité et l’autocritique jouent un rôle clé dans ce phénomène.

Ce Prix de Psychologie couronne la meilleure thèse doctorale de psychologie scientifique soutenue dans une université belge entre début 2022 et fin 2024. « C’est un honneur comme promoteur que de lui voir remettre ce prix, et ce surtout sachant qu’il s’agissait d’une thèse particulièrement difficile sur le plan tant technique que conceptuel » a commenté son promoteur, Alexandre Heeren, Professeur de psychologie et Chercheur Qualifié FNRS à l’Institut de recherche en sciences psychologiques.

La rumination dans toute sa complexité

Ressasser une dispute, un échec ou une situation difficile. Cela nous est arrivé à tous. Ce phénomène, appelé rumination, est naturel. Mais lorsqu’il devient trop présent, il peut avoir des effets néfastes sur notre bien-être : troubles du sommeil, anxiété, voire dépression.

Pendant longtemps, la psychologie a étudié la rumination pour comprendre ce qui l’influence. « Mon travail de thèse est parti du constat que la manière dont on l’a étudiée jusqu’à présent présente certaines limites », explique Yorgo Hoebeke qui a défendu sa thèse1 en 2024 à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCLouvain. Des limites comme :

  • une vision trop simpliste de la rumination qui se compose pourtant de différentes facettes
  • une vision trop statique occultant le caractère dynamique de la rumination. Les différentes facettes de la rumination fluctuent au fil du temps, d’heure en heure, de jour en jour…

Parmi les facettes de la rumination on retrouve la négativité des pensées, leur caractère autocritique, le temps passé à y penser (persévération), le fait de se concentrer sur les causes et conséquences de ses émotions (ressassement ou « brooding »), ou encore de rejouer mentalement des scènes. Quant aux fluctuations de la rumination, il est crucial de les comprendre car « comme pour la météo, un relevé mensuel moyen n’aide pas autant à prédire le temps qu’une multitude de données à haute fréquence », souligne Yorgo Hoebeke.

Ruminer fatigue notre esprit

Ce dernier s’est particulièrement intéressé au lien entre rumination et contrôle exécutif. Le contrôle exécutif, ce sont ces capacités mentales essentielles qui nous permettent de planifier, de nous concentrer, de résister aux distractions ou aux impulsions, et de gérer nos pensées en fonction de nos objectifs. Deux grandes questions se sont posées : est-ce qu’un faible contrôle exécutif nous rend plus vulnérables à la rumination (difficulté à se désengager des pensées négatives) ? Ou est-ce que le fait de ruminer épuise nos ressources de contrôle exécutif ?

Les analyses réalisées durant cette recherche montrent notamment que :

  • Ce sont surtout la négativité des pensées et l’autocritique qui alimentent la rumination.
  • Contrairement à ce qu’on pensait, ce n’est pas un manque de contrôle exécutif qui provoque la rumination, mais plutôt l’inverse : ruminer fatigue notre esprit et réduit temporairement notre capacité à nous concentrer.
  • En plus de leur intensité, la manière dont les pensées négatives fluctuent et persistent peut aussi prédire des signes de dépression. 
  • La rumination persiste souvent parce qu’elle n’aide pas à résoudre le problème ou l’émotion qui en est à la source, ce qui pousse à tourner en rond mentalement.

Ces travaux mettent en lumière l’importance de repenser notre façon de comprendre la rumination en tenant compte de sa complexité et de son évolution dans le temps. Pour aider les personnes concernées, cibler spécifiquement des aspects comme la négativité des pensées ou l’autocritique pourrait être plus pertinent que des approches cherchant à améliorer globalement le contrôle exécutif. « Il s’agirait par exemple d’aider les personnes à changer leurs croyances sur l’utilité (ou l’inutilité) de la rumination, à être moins autocritiques, ou à vivre davantage en accord avec leurs valeurs pour avoir moins de “carburant” pour leurs ruminations », suggère Yorgo Hoebeke.

1. A Fugue on Rumination. On the Dynamic Nature of Rumination’s Key Features and Their Complex Interplay with Executive Control, UCLouvain, 2024.

© Académie royale de Belgique - Laura Blanco Fernandez