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Récompenser pour apprendre : oui, mais quand ?

woluwe | Bruxelles Woluwe

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3 June 2022, modified on 6 December 2024

Pierre Vassiliadis, médecin et doctorant, avait déjà démontré que récompenser des participants pendant un entrainement moteur améliore les capacités d’apprentissage. Aujourd’hui, il montre que le délai entre le mouvement et l’obtention de la récompense a une importance cruciale et influence fortement cette amélioration de l’apprentissage !

Jusqu’à il y a environ quinze ans, on pensait que l’apprentissage moteur reposait exclusivement sur la perception sensorielle (la vue, l’ouïe…). Mais depuis lors, il a été montré que les processus cognitifs – par exemple liés à la motivation et à la récompense – influencent également ce type d’apprentissage.

En 2021, Pierre Vassiliadis, médecin et doctorant à l’Institut de neuroscience de l’UCLouvain (IoNS) et à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), montrait que des sujets qui recevaient une récompense suite à l’exécution d’un mouvement apprenaient plus efficacement.

Dans la foulée, le chercheur s’est demandé si le délai après lequel la récompense est délivrée suivant l’exécution du mouvement pouvait avoir un impact sur la qualité de l’apprentissage. Pour répondre à cette question, il a travaillé avec 60 participants en bonne santé : il leur a proposé d’apprendre une tâche motrice nécessitant un contrôle fin des mouvements des doigts, comme, par exemple, pour apprendre à nouer ses lacets. Lorsque le mouvement était correctement exécuté, les participants recevaient une récompense (ici, de l’argent). Aux uns, il donnait cette récompense après 1 seconde, aux autres, après 6 secondes. Résultat ? Même avec ce décalage très court de quelques secondes seulement, on constate que les capacités d’apprentissage varient fortement entre les deux groupes.

Des circuits cérébraux différents ?

Dans le premier groupe (délai court entre le mouvement et la récompense), on observe une amélioration continue des performances mais aussi très bonne consolidation des acquis 24h après l’entraînement. Autrement dit, l’amélioration observée après une session d’entraînement est toujours présente un jour après.

Dans le second groupe (délai long), l’apprentissage est initialement meilleur mais on constate ensuite une stagnation de la progression et donc, au final, une performance moindre en fin d’entraînement. Qui plus est, ce second groupe présente aussi une consolidation réduite des performances 24h après l’entraînement. L’hypothèse des chercheurs est que les circuits cérébraux impliqués dans l’apprentissage varient en fonction du délai de récompense utilisé.

Améliorer les thérapies de revalidation

Ces résultats, publiés dans la revue iScience, pourraient directement impacter les thérapies de revalidation de patients souffrant d’un handicap moteur (par exemple suite à un AVC ou après une lésion de la moelle épinière après un accident de la route) car ils démontrent pour la première fois qu’au-delà de l’importance de la récompense dans le (ré-)apprentissage moteur, le moment auquel cette récompense est donnée est également crucial. Mais ces résultats sont aussi riches d’enseignement pour les sportifs et le monde du coaching.
Prochaine étape? « Il faut aller plus loin pour comprendre les mécanismes cérébraux impliqués dans ces effets », souligne Pierre Vassiliadis.

La recherche de Pierre Vassiliadis est supervisée par le Dr Gérard Derosière, collaborateur scientifique FNRS et la Pre Julie Duqué (Institut de neuroscience de l’UCLouvain, IoNS) ainsi que par le Pr Friedhelm Hummel (EPFL).