La pleine conscience pour prévenir la dépression chez l’adolescent
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Depuis près de 8 ans, la Fondation HuoShen soutient la recherche du Pr Pierre Philippot, chercheur à l’Institut de recherche en sciences psychologiques, et de son équipe sur la pleine conscience chez l’adolescent. Qu’est-ce que la pleine conscience ? C’est la capacité de centrer volontairement son attention sur le vécu présent, de manière ouverte et sans jugement.
En plus des changements hormonaux, l’adolescence nous confronte à une quête de nous-mêmes, une pression importante quant aux études et à l’avenir professionnel. Les adolescents découvrent les risques de la vie dont les substances et les conduites parfois dangereuses. Bref, ils sont pris dans un tourbillon, que certains ne se sentent pas capables d’affronter ; ceux-là peuvent sombrer dans la morosité, le doute, voire la dépression. Avant d’en arriver là, certains chercheurs font le pari de la pleine conscience (ou mindfulness) pour contribuer à prévenir la déprime ou la dépression.
Plusieurs chercheurs de l’UCLouvain ont souhaité exploiter la piste de la pleine conscience, longtemps réservée aux adultes. Le Pr Pierre Philippot, chercheur au laboratoire de psychopathologie expérimentale, est spécialisé dans la régulation des émotions dans le cas de troubles dépressifs ou anxieux. Avec son équipe, il a lancé des ateliers de pleine conscience pour les adolescents. Cette expérience a fait l’objet de plusieurs études qui ont démontré l’effet bénéfique de cette technique pour réguler leurs troubles anxieux et dépressifs.
L’intérêt de ces formes de thérapie chez l’adolescent est relativement récent. Le travail avec l’adolescent se fait par l’utilisation du jeu, des histoires et des métaphores, ainsi que par la place accordée aux exercices expérientiels. Le jeune devra, par exemple, centrer son attention sur les sensations de la respiration. Une intervention basée sur la pleine conscience comporte également une série de défis, comme l’adaptation d’outils d’évaluation pertinents, l’adaptation des explications au niveau de développement de l’adolescent et la tension avec des messages contradictoires donnés dans d’autres contextes.
Deux axes de recherche
Des adolescents qui sont bien souvent dans l’immédiateté ont tout à gagner à « se poser » et prendre la mesure de leurs émotions. De nombreuses études ont été menées sur les effets positifs de la pleine conscience chez les ados. Dans un premier temps, l’équipe a mené des entrainements à la pleine conscience chez des adolescents, pour les aider à mobiliser leur capacité à entrer en relation avec soi, leur capacité à être attentifs aux processus automatiques qui guident leurs pensées et les aider à s’en dégager pour porter leur attention sur autre chose. « Nous avons vu que cette technique permet de diminuer certaines réactions aux émotions qui ont tendance à augmenter l’anxiété et la dépression, qui de ce même coup diminuent également », explique le Pr Philippot.
Ensuite, les chercheurs se sont intéressés aux processus mentaux et cognitifs. Permettant ainsi d’identifier ceux qui sont favorables au contrôle de l’attention. Le but étant d’inhiber l’information non pertinente, s’en détacher et ainsi améliorer sa mémoire de travail. Selon Pierre Philippot « ces processus sont en jeu dans l’anxiété qui mène à la rumination, donc à la dépression ». La participation au programme se fait sur base volontaire.
Des résultats encourageants
Les résultats obtenus montrent une réduction significative des troubles anxieux et de l’impulsivité. Il semblerait que l’intervention basée sur la pleine conscience agisse surtout au niveau des affects dépressifs et des capacités attentionnelles. Les données récoltées suggèrent un potentiel effet de la pleine conscience sur l’humeur triste ainsi que sur la performance à un test d’attention. Enfin, il semble que les filles soient plus réceptives aux effets de pleine conscience que les garçons. « Il faut toutefois garder à l’esprit qu’en cas de dépression avérée, l’adolescent devra bénéficier d’une intervention prioritaire plus efficace », conclut Pierre Philippot.