La Chaire LaboRH : près de dix ans de collaboration entre chercheurs et praticiens
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Quel bilan tirer de la Chaire LaboRH ? Quels sont les bénéfices pour l’université et les entreprises partenaires ?
La Chaire LaboRH est un partenariat entre l’UCLouvain et des entreprises publiques et privées qui a pour ambition de soutenir les missions de recherche, d’enseignement et de service à la société. Depuis juin 2012, 18 entreprises ont financé une dizaine de chercheurs mais aussi un cours du master en GRH. Nous nous sommes ainsi penchés sur des enjeux tels que l’avenir du dialogue social, la transformation des métiers du management, les nouvelles formes d’organisation. Nos travaux de recherche ont aidé nos partenaires à prendre du recul par rapport à certains enjeux. Parallèlement, le financement que j’ai sollicité auprès de ces organisations a permis la réalisation de thèses de doctorat et une partie de nos recherches annuelles ont aussi donné lieu à des publications dans les meilleures revues scientifiques du domaine.
C’est un apport majeur de la chaire à l’université : permettre le financement de recherches et de doctorats qui ne trouvent pas d’autres financements car notre domaine et nos méthodologies s’écartent des standards valorisés par les comités scientifiques traditionnels. La Fondation Louvain joue ici un rôle essentiel en soutenant l’innovation scientifique et pédagogique et en valorisant l’impact sociétal que nos travaux ont pour les acteurs du monde économique et social que sont les organisations.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Sans hésiter, la visite de l’entreprise Pocheco, près de Lille. C’est cette entreprise qui apparaît dans le documentaire « Demain » réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent. Cette année-là, nous travaillions sur les nouveaux modèles d’organisation et notamment sur les entreprises autogérées, parfois appelées « entreprises libérées ». Nous sommes partis en bus, responsables des ressources humaines et chercheurs. C’est un bon souvenir parce que cela caractérise bien ce qu’est la recherche en sciences des organisations et de gestion : une recherche incarnée, en prise avec le réel, le contexte de l’organisation, ses acteurs. Cet échange in vivo nous a beaucoup appris, en plus du moment de partage que cela a constitué.
Une anecdote à partager au travers de cette expérience ?
Il y en a tant … Disons que nous avons été bousculés autant que nous avons bousculé. On s’adresse à des responsables d’entreprise et à des responsables des politiques du personnel. Au départ, il y a certains stéréotypes : pour ces professionnels de la GRH, nous pouvons être perçus comme « planant » un peu au-dessus de la réalité et, pour certains collègues, les praticiens ont perdu toute capacité de réflexion. Les recherches qui adoptaient une perspective psychologique, centrée sur les individus, passaient ainsi moins bien auprès de ces professionnels du management. Mais, ensuite, quand nous présentions les résultats de nos recherches, y compris celles-là, basés sur des méthodologies robustes et des données valides recueillies dans les organisations partenaires et pointant les effets de certaines pratiques de gestion sur le bien-être ou l’humanisation, c’est nous qui bousculions. Ce dialogue permanent ressort dans le livre Vers un Management humain ?, qui rassemble des contributions de scientifiques et de praticiens, mais aussi des contributions co-écrites par des scientifiques et des praticiens. Le livre est le témoin concret de cette capacité de fertilisation croisée, mais bien plus encore, de la responsabilité qu’a l’université d’organiser ce dialogue.
Quelle est la recette de son succès ?
Trois ingrédients sont indispensables. D’abord, un respect mutuel sans faille. Personnellement, j’ai le plus grand respect pour les responsables qui ont embarqué leur entreprise dans la chaire et pour le métier qu’ils font, ce sont des métiers difficiles. Ce ne sont pour moi pas des « financeurs » de nos projets ou des « données » de nos recherches. Je sais aussi qu’ils respectent notre expertise d’académiques qu’ils ont appris à reconnaître au fil des années et des nombreux échanges que nous avons eus. Le deuxième ingrédient, c’est le professionnalisme. C’est lié au respect. On ne peut pas être approximatif, il faut être organisé et rigoureux dans la gestion du projet, prendre le temps d’échanger, de co-construire, d’évaluer le partenariat en permanence. C’est le travail du titulaire qui incarne le projet et qui en assume les angoisses financières et organisationnelles. Enfin, c’est la compétence et la dynamique de l’équipe de recherche. La chaire a permis de constituer et de fédérer une équipe d’académiques et de chercheurs qui n’aurait jamais existé autrement. On a vécu énormément de choses ensemble, professionnellement et humainement. C’est aussi ce que j’apprécie dans mon métier : rassembler des collectifs.
Quelle est votre expérience d’académique dans ce projet et comment s’est passé le lien entre vos chercheurs et le monde des entreprises ?
C’est un effort pour les scientifiques de certaines disciplines d’aller vers l’entreprise et d’accepter de faire le pari de s’enrichir et, inversement, pour les entreprises de (re)venir à l’université. Mais ce qui m’a stimulé et maintenu engagé, c’est la perspective de contribuer, par nos recherches et nos enseignements, au développement d’un Management Humain, dans les organisations, qui soit donc soutenable et responsable.
Maintenant que la Chaire LaboRH se clôture, avez-vous d’autres projets pour la suite ?
Fort de cette expérience, une nouvelle chaire sera lancée en septembre sous la forme d’un laboratoire, le « labor-H ». Le « H » mettant l’accent sur la dimension humaniste qui est la perspective qui sera suivie par les travaux que nous mènerons. Ce labor-H va capitaliser sur tout ce qui a bien fonctionné dans la Chaire LaboRH, tout en corrigeant certaines de ses lourdeurs.