Le doctorat en Art et Science de l'art
culture |
Une interaction originale entre sciences et arts
Par la Professeure B. van Wymeersch
Le doctorat en art et sciences de l’art a la particularité d’associer une pratique artistique et une recherche universitaire, deux champs intellectuels qui s’ignorent trop souvent. Il ne s’agit donc pas d’une recherche
« en » art, ni d’une recherche « sur » l’art, mais bien d’une interaction tout à fait originale entre sciences et arts dans laquelle la création artistique fait partie intégrante du processus doctoral : les disciplines savantes et artistiques s’articulent donc entre elles comme les deux facettes d’une même réflexion. Ce double aspect implique une collaboration étroite entre universités et hautes écoles. Même si le diplôme terminal – le titre de docteur en art et sciences de l’art – est délivré par l’université, le comité d’encadrement et le jury sont toujours composés d’académiques issus de l’Université et de professeur·es des Ecoles Supérieures des Arts, qu’il s’agisse d’arts plastiques et visuels (La Cambre, l’IAD, l’INSAS, l’ESA, «Le 75», l’ERG, etc.) ou de musique (IMEP, Arts2, Conservatoire royal de Bruxelles, de Liège).
Les activités de formation proposées aux doctorant·es suivent le même principe : formation à la fois universitaire, mais aussi axée sur la création artistique sonore ou visuelle, selon la discipline des candidat·es. Des journées doctorales, organisées chaque année, permettent aux étudiant·es de présenter leurs travaux, d’établir un dialogue entre eux·elles, leurs accompagnant·es et le public, et plus largement entre les arts et les disciplines.
A la fin de son travail, l’étudiant·e défend une thèse hybride où un texte académique appuie une réalisation artistique. Ainsi, récemment, une thèse sur « l’asymétrie phraséologique dans les dernières sonates pour piano de Haydn » a été présentée à la fois à l’UCLouvain et à l’IMEP. Thèse de musicologie appliquée et d’analyse musicale, DVD et capsules-videos présentant des pianos historiques et l’influence de leur développement technologique dans l’élaboration des sonates de Haydn, concert mettant directement « en jeu » les résultats de ses investigations théoriques sur les sonates, autant d’éléments qui ont été pris en compte dans l’épreuve de défense. Conjuguant musicologie « pure » et interprétation historiquement informée, processus théorique et production artistique, cette thèse est un parfait exemple d’une recherche en art et sciences de l’art.
When silence speaks, Heart of a forgotten land
Un projet de thèse doctorale ED20 porté par Johanne Verbockhaven
CETTE RECHERCHE issue du domaine Art et sciences de l’art, située entre arts visuel-graphique & anthropologie, étudie les relations corps-environnement-mémoire au travers de la pratique traditionnelle de collecte des œufs d’oiseaux marins dans les falaises du Hornstrandir, pénin-sule localisée dans l’extrême nord-ouest islandais à la li-sière du cercle polaire arctique. Plus spécifiquement ciblée autour de la micro-communauté côtière Hornvik et des frères Arnor & Stigur Stigsson, nés dans la ferme de Horn au pied de la falaise Hornbjarg.
Aucune route n’existe dans le Hornstrandir. Marcher à pieds au travers des montagnes est le seul moyen de relier un endroit à un autre sur la surface terrestre. Au travers de plusieurs voyages pédestres, année après année, chemin après chemin, ligne après ligne, Johanne Verbockhaven a collecté un savoir relatif à l’exil des fermiers de cette zone, aux bases militaires UK & US implantées durant la deu-xième guerre mondiale et la guerre froide et à leurs impacts sur la population locale. Johanne a rencontré les dernières personnes natives encore vivantes, contraintes d’abandon-ner la péninsule au cours de leur enfance suite à la reloca-lisation des familles. Elles ont partagé leurs souvenirs d’enfance, leurs expériences, leurs émotions et traumatismes d’exil.
Au niveau infra, au sein de la micro-communauté du fjord de Hornvik lovée au creux des majestueuses falaises Hornb-jarg et Haelavikurbjarg, habitat naturel de milliers d’oiseaux marins, se trouve la ferme de Horn, maison d’enfance des frères Stigsson. Les falaises étaient une grande part de la vie à Horn. À chaque printemps de nombreuses personnes venaient pour la collecte des œufs dans les falaises, acti-vité économique et sociale importante. Ils étaient ensuite envoyés aux quatre coins du pays pour y être vendus. Dès l’âge de 15 ans, les jeunes hommes descendaient dans les falaises accompagnant les aînés malgré la dangerosité de l’activité et les accidents fatals survenus. Aujourd’hui en-core, les œufs sont consommés au printemps.
Ce travail qui articule une recherche théorique anthro-pologique à une pratique artistique visuelle et graphique prendra différentes formes : la réalisation d’une exposition avec dispositif spatial d’installation, la publication d’un site internet comme principale plateforme de diffusion de la re-cherche, la publication d’un support papier sous la forme d’un livre d’artiste.