La puissance de l’image pour prendre conscience et reprendre confiance…
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Créé en 2014, le Festival International du film Eau et climat de Louvain-la-Neuve (FIFEC) devient GO FUTURE en 2022. L’eau, la terre, l’air et le feu… le nouveau festival de cinéma documentaire élargit son champ d’observation aux quatre éléments qui constituent la vie et propose plusieurs jours de projections, de débats, d’analyse critique et d’échanges avec des expert·e·s de l’UCLouvain pour faire le point sur la recherche et entrevoir des solutions pour l’avenir. Entretien avec Daniel Tellings et Daniel Zimmerman de l’asbl Eau et climat asbl, responsables de la programmation du Festival.
Propos recueillis par Aline Aulit
Le FIFEC devient GO FUTURE. Pourquoi ce changement ?
DT/DZ Ce passage du FIFEC, principalement axé sur les thématiques de l’eau et du climat, à GO FUTURE, qui s’ouvre aux quatre éléments, est à nos yeux une évolution logique. On ne peut en effet évoquer les problématiques environnementales sans aborder l’interconnexion des éléments qui constituent la vie. Le manque d’eau entraîne la sécheresse de la terre ; celle-ci est à l’origine d’incendies dévastateurs qui eux-mêmes provoquent la pollution de l’air, etc. Tout est relié et interdépendant. Nous-mêmes, en tant qu’êtres humains, ne sommes qu’un minuscule maillon de cette chaîne du vivant. En tant que professionnels de l’audiovisuel, vous avez créé l’association Eau et Climat dans le but de communiquer par l’image sur l’environnement et plus particulièrement sur les problématiques liées à l’Eau et au Climat.
Vous avez lancé dès 2004 un festival de films documentaires avant de vous associer, dix ans plus tard, à l’UCLouvain et de créer le FIFEC à Louvain-la-Neuve. Percevez-vous une évolution des mentalités à l’égard de ce type de festival ?
DT/DZ Certainement. En 2004, il y avait très peu de festivals portant sur les thématiques environnementales. Nous sommes fiers de dire que nous avons été précurseurs. Le film d’Al Gore « Une vérité qui dérange », sorti en 2006, a contribué grandement à l’essor des productions de ce type. Aujourd’hui, les festivals abordant la question climatique et la transition sont très nombreux. Les moyens de tournage et les formats des films ont beaucoup évolué aussi, notamment en raison du développement des réseaux sociaux. Le public lui-même a changé. Nous sommes passés d’un public de quelques convaincus à un large public, souvent bien informé et exigeant.
Pour conscientiser et mobiliser le plus grand nombre aux questions écologiques et environnementales, quel est le genre le plus intéressant ? La fiction ou le documentaire ?
DT/DZ C’est précisément l’équilibre entre fictions et documentaires qui permet au festival de rencontrer son objectif. Le documentaire est une description du réel, portée par un réalisateur ou une réalisatrice qui, malgré son implication, respecte une certaine distance avec l’image. Ces formats souvent plus courts permettent d’harmoniser la programmation, de faire intervenir des chercheurs et chercheuses de l’Université, d’organiser des débats… La fiction, quant à elle, a sans doute un potentiel d’identification plus puissant. Elle provoque l’émotion du spectateur et mobilise son engagement. Mais une bonne fiction sur ces thématiques n’est pas toujours facile à trouver… Quoi qu’il en soit, l’image est un outil ultra puissant pour sensibiliser, conscientiser, convaincre… Une « arme » qui peut être utilisée à bon ou mauvais escient et qu’il s’agit donc d’employer avec discernement.
Quelle est la ligne éditoriale du festival ? Choquer avec des images fortes et apocalyptiques ou, au contraire, montrer la beauté du monde, jouer la carte de l’émerveillement qui conduit naturellement au respect ?
DT/DZ Encore une fois il s’agit de trouver le juste équilibre. Les documentaires d’aujourd’hui sont très souvent catastrophistes car ils sont témoins de notre temps et reflètent la réalité… En même temps il faut tenir compte de la sensibilité du spectateur et du phénomène d’éco-anxiété de plus en plus répandu… Les gens ont besoin de solutions et d’espoir pour se mobiliser pour la cause environnementale. Mais il ne faudrait pas non plus tomber dans un optimisme candide. Lors des éditions précédentes du festival, nous avons programmé un film comme Demain de Cyril Dion, mais aussi le film Anthropocène qui montrait, avec une grande recherche esthétique, l’empreinte humaine destructrice sur la nature. L’enjeu est de garder une ligne éditoriale juste et pertinente entre ces deux extrêmes.
Nous sommes passés d’un public de quelques convaincus à un large public, souvent bien informé et exigeant.
Ne craignez-vous pas que la crise sanitaire que nous vivons éclipse l’intérêt du grand public pour ces questions essentielles ?
DT/DZ Au contraire, la pandémie que nous vivons est intrinsèquement liée à la crise environnementale. Elle est la conséquence directe de l’anthropocène et des dérèglements que l’activité de l’homme inflige à la nature. Encore une fois, tout est lié et interdépendant. Nous espérons, au travers des films et des débats organisés pour cette édition de mars 2022, en convaincre le grand public.
Quel sera l’apport concret des expert·es de l’UCLouvain dans ce festival nouvelle mouture ?
DT/DZ L’élargissement de la thématique aux quatre éléments élargit considérablement notre champ d’investigation au niveau de la programmation. Parallèlement, il nous permet de solliciter des chercheurs et chercheuses de l’UCLouvain travaillant dans des domaines très divers (biodiversité, spécialistes des terres rares, des incendies, de la pollution de l’air, architectes, agronomes, économistes, climatologues, etc.). L’occasion d’apprendre, de comprendre et aussi de s’émerveiller des progrès assez extraordinaires réalisés dans ces disciplines ces quelques dernières années.
Un avant-goût de la programmation de cette édition 2022 ?
DT/DZ Un premier film est déjà pressenti pour ouvrir le Festival : «The search for Snow» de Cyril Barbançon et Jacqueline Farmer. Un documentaire spectaculaire sur la neige. Celle qui peut être une passion pour les skieurs et un rêve d’enfant cache aussi des enjeux économiques et stratégiques. La neige, est une merveille étincelante, une promesse d’irrigation, un spectacle attendu…, mais elle est rendue incertaine par le changement climatique. Entre l’Amérique du Nord et l’Europe, entre les chuchotements de flocons et les grondements d’avalanches, un météorologue s’intéresse aux processus complexes de formation de la neige et à son impact crucial sur la flore, la faune sauvage et les activités humaines.
Rendez-vous du 28 au 31 mars 2022 au Cinéscope pour le Festival GO GUTURE. En fonction de la situation sanitaire, des aménagements virtuels ou hybrides seront envisagés. Infos